« Arrête Charlotte, c’est pas un mec pour moi.» « Et pourquoi ça ? Il est beau comme un dieu, sportif, drôle, intelligent, et il ne fait que de te regarder.» Annabelle haussa les épaules, un sourire se dessinant sur son visage, et elle laissa son regard dévier vers le brun, objet de leur conversation. Il jouait au foot avec quelques potes qui faisaient partie de leur petite bande. Jonah avait intégré leur prestigieux lycée parisien il y a quelques mois, et il faisait clairement l’unanimité. Aussi bien auprès des potes des deux filles, qu’auprès des nanas du lycée. On lui avait déjà prêté plusieurs flirts et autant de cœurs brisés.
« Ce mec est un tombeur, j’ai pas envie d’être la prochaine sur la liste. C’est tout.» Pourtant, au fond d’elle, elle n’était clairement pas indifférente au charme du jeune homme. Mais, elle faisait tout pour s’en cacher. Ils n’avaient rien en commun. Elle, elle ne tenait sa place dans ce lycée que par une bourse pour ses talents de danse et surtout parce que son père n’était autre que le chauffeur personnel du directeur de l’école. Elle n’était pas, comme la majorité des élèves, une fille à papa, une fille de bonne famille. Elle vivait dans un quartier pourri de Paris, et ses parents dormaient dans le salon, tandis qu’elle et sa sœur dormaient dans l’unique chambre de l’appartement. Jonah lui était le fils d’un homme d’affaires russe, très connu et très très riche. [...]
« C’est cool de m’aider, Anna. » Jonah lui sourit et elle hocha la tête, repoussant une mèche brune derrière son oreille. A vrai dire, lorsqu’elle s’était proposée comme tutrice pour aider des élèves en difficulté, elle n’avait pas imaginé qu’elle allait devoir donner des cours à Jonah. Ils étaient devenus plutôt proches ces derniers temps. Ils avaient la même bande de potes, et il était arrivé, parfois, qu’ils se retrouvent un peu à l’écart pour discuter et se rendre compte qu’ils aimaient plein de choses en commun.
« Je pensais pas que je comprendrais quelque chose à la physique un jour.» Ils rirent et elle referma le bouquin sur lequel ils bossaient.
« Je pense que tu es prêt pour l’examen maintenant. On devrait peut-être rentrer, la bibli va fermer.» « Ouais, et j’ai un match demain, faut pas que je me couche trop tard.» Ils se levèrent et rangèrent leurs affaires avant de quitter la bibliothèque.
« Je te ramène ? » « Non, non, t’en fais pas. Je vais prendre le métro, il n’est pas si tard que ça.» Et surtout, elle n’avait pas spécialement envie qu’il voit l’immeuble vétuste qu’elle habitait.
« Arrête, je te laisse pas te balader toute seule dans Paris à cette heure-là.» Il attrapa la main de la brune, et surprise par ce contact, elle se laissa entraîner par le brun, et elle grimpa derrière lui sur son scooter. [...] Il l’entraîna au cœur du salon, et il la garda près d’elle, même si la musique n’avait rien d’un slow.
« Léa, je m’en fous, tu sais. Je sais que tu nous as vu tout à l’heure.» Elle se sentit rougir et remercia la lumière tamisée du salon qui empêchait à quiconque de voir qu’elle était gênée.
« Oui, je … Je suis désolée, je voulais pas être indiscrète.» Elle secoua la tête avant de souffler :
« Mais tu n’as pas à me dire ça, t’as pas de comptes à me rendre Jonah. Je suis ta pote, pas ta nana.» Il hocha doucement la tête et elle sentit ses mains descendre sur ses hanches, augmentant la pression.
« C’est juste que tu as l’air bizarre depuis.» Elle déglutit et secoua vivement la tête.
« Non, non. Je suis juste un peu ailleurs.» « Si tu le dis.» Son souffle chaud dans son cou lui arracha des frissons et elle tenta de contenir l’envie de l’embrasser qui s’emparait d’elle. Lorsque la musique s’arrêta pour laisser place à une autre chanson, elle en profita pour s’arracher à son étreinte, et elle se rapprocha de deux copines qui fumaient à la terrasse. [...] Elle se retourna pour lui faire face.
« C’est pas poli de quitter sa propre soirée.» « Ca l’est encore moins de partir sans remercier son hôte.» rétorqua-il, narquois. Elle détourna le regard mais il s’empara de son menton pour la forcer à le regarder.
« Anna… » « Quoi ? » Ils se dévisagèrent un long moment avant qu’il ne descende sa main, effleurant son cou, attrapant une mèche brune pour jouer avec.
« Je vais pas pouvoir continuer à faire ça.» « A faire quoi Jonah ? » « A m’empêcher de t’embrasser..» Elle se figea, s’arrêtant un instant de respirer, et elle se rapprocha, instinctivement, de lui. Ce fut le geste qu’il attendait et il écrasa bientôt ses lèvres contre les siennes, pressantes, demandeuses. Elle passa les mains autour de son cou, répondant à son baiser avec fièvre. [...]
« Enchanté Annabelle.» Il se détourna d’elle et posa un regard froid sur son fils.
« Jonah, tu as ta compétition demain matin. J’apprécierai que tu ne rentres pas trop tard.» Le brun secoua la tête et sourit, attrapant la main d’Anna.
« Non, t’inquiètes, je vais juste voir le spectacle de danse d’Anna.» Son père lâcha une sorte de rire, et hocha la tête avant de disparaître. Jonah se tourna vers elle, un sourire penaud sur son visage.
« Je suis désolé, il est complètement obsédé par le tennis, et vu que je dois commencer à me faire voir un peu partout pour passer dans les adultes l’an prochain, il me met une pression de fou.» [...]
« Annabelle, c'est bien ça ? » La brune marqua un temps d'arrêt devant le père de Jonah qui se tenait devant son immeuble, le regard se baladant autour de lui, jaugeant sans doute le quartier où il se trouvait et l'immeuble minable de la jeune femme. Son chauffeur était garé devant, et elle se sentit soudain jugée par l'homme d'affaires russe.
« Bonjour.» Il s'approcha d'elle et posa sa main sur l'épaule de la jeune femme.
« Je voulais vous dire quelques mots. Rapidement. Venez, je vous dépose.» Elle le suivit dans la voiture, anxieuse. Elle se demandait ce qu'il pouvait lui vouloir.
« Vous tenez à mon fils n'est ce pas ? » Elle acquiesça doucement et il sourit:
« Seulement, j'ai remarqué qu'il est distrait depuis qu'il est avec vous. Il laisse un peu le tennis de côté, et je refuse de le voir gâcher sa carrière pour un stupide flirt.» Elle baissa doucement la tête tandis qu'il continuait :
« Je sais que vous voulez faire de grandes études, mais je me suis renseignée sur votre famille. Ca risque d'être difficile pour vous compte-tenu de votre niveau de vie. Alors voilà. Prenez cet argent. Mais bien entendu, vous devez renoncer à Jonah. Définitivement.» La brune arqua les sourcils et elle lança un regard au chèque qu'il lui tendait. 150 000 euros. Pour lui, ça n'était rien. Elle, ça aurait pu changer sa vie. Elle déglutit et détourna le regard, parvenant enfin à réagir et à secouer la tête.
« Je ne veux pas de votre argent. Vous êtes fou, j'aime Jonah.» Elle fit signe au chauffeur de s'arrêter, et elle descendit précipitamment de la voiture. Jonah et elle étaient ensemble depuis presque deux ans maintenant. Elle était en fac de médecine, en première année, et lui continuait le tennis, se contentant de quelques heures de cours par semaine, dans une université parisienne. Elle savait que son père avait raison, elle le savait depuis le début, mais elle tentait de se cacher la vérité. Au fond, elle aimait trop Jonah pour se dire qu'il risquait de gâcher sa vie à cause d'elle, mais une partie d'elle le savait. Elle souffla doucement et grimaça, il fallait qu'elle prenne une décision. Et vite. Elle avait reçu une bourse pour étudier en Angleterre, et même si la proposition la tentait, elle s'était dit qu'elle refuserait. Pour Jonah. Mais finalement, partir était peut-être la meilleure solution. Jonah avait encore perdu un match le week-end dernier, un match important. […] Elle lisait les mots qui s'affichaient sur son téléphone, encore et encore.
- Jonah a écrit:
- J'arrive pas à croire que tu aies pu me faire ça. Mon père m'a tout raconté pour l'argent. Je comprends mieux ta superbe opportunité ailleurs...
Son père avait du profiter de son départ pour lui dire qu'elle avait accepté l'argent. Cela ne ferait qu'éloigner le brun d'elle, et même si ça lui brisait le cœur, au fond elle se disait que c'était le mieux. Il ne lui reparlerait sans doute plus jamais. Elle supprima le message et effaça le numéro du brun, sans répondre. [...]
« J'ai un patient trop sexy en rééducation.» Annabelle leva la tête vers la jeune femme qui venait de se poser à sa table, un café à la main. Lucy avait 33 ans, et elle était kinésithérapeute. Elle gérait le service kiné et rééducation et s'en sortait merveilleusement bien, il fallait le dire. Anna avait tout de suite sympathisé avec cette jeune femme pétillante, et les deux étaient devenues amies. Anna était en dernière année d'internat et elle se dirigeait vers une carrière de psychiatre, un métier qui la passionnait depuis toujours.
« Moi les seuls patients mignons que j'ai se prennent pour Jésus. Ca casse tout de suite le truc.» La brune sourit et Lucy arqua les sourcils en riant à la boutade de l'interne.
« Il vient de Paris en plus, comme toi. Vous et vos petits accents, ça fait craquer.» Anna lâcha un petit rire et secoua la tête :
« T'es grave Lucy.» « Passe tout à l'heure, à 15h, il a une autre séance.» Elle lui fit un clin d'oeil et elle quitta la salle de pause avec un dernier sourire. Anna secoua la tête et termina son café, grimaçant comme à chaque fois qu'elle se laissait tenter par le café de l'hôpital. Aucun miracle, il était toujours amer et imbuvable. Elle retourna à son service, deux consultations l'attendaient avant qu'elle ne termine sa journée. Curieuse, à 15h, au lieu de quitter directement l'hôpital, elle passa par le service rééducation. Elle aperçut Lucy, occupée à soutenir un brun qui marchait difficilement sur le tapis de rééducation. Il se détourna un instant, et elle l'aperçut de loin, son cœur s'arrêtant de battre. Jonah était ici. Elle recula et disparut dans le couloir, se mettant presque à courir pour quitter l'hôpital.